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Mauritanie : l’espoir du gaz après la déception du pétrole

Mauritanie : l’espoir du gaz après la déception du pétrole

Mauritanie : l’espoir du gaz après la déception du pétrole

/ POLITIQUE / Friday, 13 May 2022 09:09

Traduit de l’arabe par Sneiba Mohamed

Dans un post sur sa page Facebook, l’expert mauritanien Sid’Ahmed Ould Bouh, Responsable du Pôle des Services Institutionnels à la Banque Maghrébine d’Investissement et le Commerce Extérieur (BMICE) et ancien de la Banque mondiale, essaie de répondre à cette question : Les retombées financières du gaz pour la Mauritanie, quel avenir pour le développement ?

Dans l’introduction à cette intéressante analyse prospective (en arabe), l’expert mauritanien qui a eu aussi à piloter, en 2016, un grand projet financé par la Banque mondiale pour le compte de la Zone franche de Nouadhibou rappelle : « Il était attendu que la production du champ pétrolier Chinguitt, mis en exploitation en 2006, atteigne 75.000 barils par jour, et les mêmes espoirs étaient fondés également sur la production des cinq puits de pétrole et de gaz mis en exploitation successivement, depuis cette date. Mais le vent a tourné dans le sens contraire des espérances suscitées par un tel projet chez les Mauritaniens, à cause de complications techniques et des mauvaises prévisions des études préliminaires.

La production a ainsi chuté rapidement passant de 15.000 barils/jour, en 2007, à 7000 barils/jour, en 2013, et enfin, à moins de 2000 barils/jour, en 2016 ! Le projet sera définitivement abandonné, en 2017, pour non rentabilité. »

La Mauritanie qui a cherché, depuis, à oublier cette mauvaise expérience avec le pétrole, s’apprête à faire son entrée dans le club très select des pays producteurs de gaz naturel, fin 2023, avec ce que naître comme nouveau espoir un évènement exceptionnel comme celui-ci permettant de disposer, enfin, de ressources financières conséquentes pouvant favoriser le développement économique du pays et lui garantir un avenir radieux, faisant oublier la situation de pauvreté et de sous-développement dans laquelle il se débat depuis plusieurs décennies.

Et Ould Bouh de dire : « Il est tout à fait normal qu’à l’approche de la mise en exploitation de ce gisement de gaz, la pression des Mauritaniens se fait plus grande sur ceux qu’ils ont chargé de la gestion des affaires du pays pour qu’ils les informent de la réalité et du degré d’avancement de ce projet promoteur et ce qu’il peut apporter comme réponses à leurs attentes d’un avenir meilleur avec l’amélioration sensible de leurs conditions de vie, de création d’emplois pour les dizaines de milliers de chômeurs, de rehaussement du niveau des infrastructures de base et d’accélération du développement pour une meilleure redistribution des richesses du pays, mais surtout, de lutte effective contre la gabegie. »

Les déclarations attribuées au ministre sénégalais du pétrole devant le parlement de son pays sur le volume des retombées du champ gazier Ahmeyim (GTA) que le Sénégal a en partage avec notre pays poussent à chercher ce qu’il en sera, aussi, pour nous, en termes de prévisions financières. « Une réponse qui laisse le citoyen sur sa faim, peut-on estimer, mais gardons-nous de juger avant la fin de cette analyse qui traitera, en quatre parties, du processus que traverse le pays actuellement, des perspectives de l’exploitation du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA) et Biralla, à travers des axes qui traiteront des CPP (contrat de partage de production), du volume des découvertes et des réserves de gaz, du partenariat avec le Sénégal et de celui avec les sociétés étrangères (Kosmos Energy et BP) pour l’exploitation de ces ressources gazières, les retombées financières attendues, pour la Mauritanie et pour le Sénégal, avant de finir par la comparaison des schémas de développement économique et les défis et opportunités liés à l'exploitation du gaz », indique Ould Bouh dans son introduction.

Axe 1 : des Contrats de Partages de Production

Kosmos Energy, société américaine comptant parmi les plus grandes compagnies opérant dans l’exploration pétrolière, a signé, le 05 avril 2012, un CPP (contrat de partage de production) avec le gouvernement mauritanien. Ce CPP concerne le bloc C8 dans la zone maritime mauritanienne et est régi par la loi 033-2010 en date du 20 juillet 2010 portant Code des hydrocarbures bruts en Mauritanie.

Au terme de cet accord, la société étrangère a l’exclusivité de l’exploration et de l’exploitation, en cas de découverte de réserves commercialement exploitables (c’est à dire générant des bénéfices) dans la superficie de ce bloc. Kosmos Energy a ainsi obtenu du gouvernement mauritanien un permis d’exploration d’une durée de quatre ans, renouvelable deux fois (pour 3 ans), contre la restitution à la Mauritanie de 25% du bloc, à chaque renouvellement, et des engagements précisés dans le cahier de charge régissant le détail des investissements à la charge de la société étrangère de façon globale (campagnes sismiques, forage d’un puits d’exploration d’une profondeur de 2500 mètres au fond de la mer), et contre aussi une caution financière pour chacune des trois périodes d’exploration.

La société étrangère (Kosmos Energy, en l’occurrence) garantit également la cession de 10% à la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH), sans coût financier pour cette dernière. La SMH (devenue plus tard SMHPM, Société mauritanienne des hydrocarbures et du patrimoine minier) dispose aussi de la possibilité, suivant les termes du CPP, d’augmenter ses parts de 4% en cas de découverte de gisements exploitables, ce qui est effectivement arrivé plus tard.

Le Code des hydrocarbures bruts en Mauritanie s’appuie sur le principe de l’indice de rentabilité (R Factor, en anglais) pour déterminer le moyen de partage des bénéfices générés par l’exploitation. Ainsi, on permet à la société étrangère de conserver 65%, au plus, de la production de gaz pour (se) rembourser les charges supportées dans les phases d’exploration et de développement. Ce taux est communément appelé Cost oil et la Mauritanie a réussi à le maintenir à 62% dans le contrat signé avec la société, soit 3 points en dessous de ce qu’autorise le code des hydrocarbures bruts. Ensuite, l’on procède au partage du restant (Profil oil), soit 38%, en fonction de l’indice de rentabilité évoqué plus haut et qui est calculé en divisant la totalité des revenus accumulés par la société étrangère sur le montant de l’ensemble des charges qu’elle aura supportées.

Le CPP a déterminé six (6) cas de partages, en fonction de cet outil, dont le plus pessimiste est quand l’indice de rentabilité est inférieur à 1, permettant alors à la Mauritanie d’avoir 31% du Profil oil contre 69% pour la société contractante. La meilleure configuration, pour la Mauritanie, est quand cet indice de rentabilité est supérieur ou égal à 3, ce qui permet à la Mauritanie d’avoir 42% (du Profil oil) contre 58% pour la société étrangère.

L’entrée d’un nouveau partenaire dans les actions du CPP ne change rien à la donne de départ (notamment en ce qui concerne le partage), comme c’est le cas avec l’arrivée du géant britannique BP qui a racheté à Kosmos Energy 62% des actions globales. BP sera intéressée proportionnellement à ses parts, et la société contractante Kosmos Energy a été contrainte, après la confirmation de l’importance du gisement découvert, de chercher un nouveau partenaire stratégique de renommée mondiale, après le départ de la société américaine Chevron, pour mobiliser les ressources nécessaires et disposant des techniques requises pour le développement de l’un des plus profonds puits de gaz avec plus de 5200 mètres au fond de la mer.

Il faut enfin souligner que, en ce qui concerne les CPP, les pays disposant de telles richesses en hydrocarbures doivent beaucoup à l’Indonésie qui, en 1967, avait imposé cette formule aux sociétés étrangères présentes sur son sol pour exploiter ses ressources en hydrocarbures, mettant fin ainsi à des pratiques de pillage organisé des richesses naturelles (pétrolières et gazières) des pays en voie de développement par les grands groupes agissant dans le domaine et qui se suffisaient de contrats d’exploration/exploitation obtenus contre le payement de royalties correspondant à des montants forfaitaires symboliques.

Ce fut ensuite autour de l’Iran, détentrice des plus grandes réserves de gaz naturel après la Russie, à chercher à imposer aux grandes compagnies opérant dans le domaine des hydrocarbures une autre formule remplaçant les CPP, quand le pays proposa, à partir de 1994, des contrats de rachat (buy back contracts).

Il faut aussi souligner que l’indice de rentabilité adopté par la Mauritanie peut être remplacé par un autre système plus avantageux pour le pays et plus pérenne au sein même de la nomenclature de contrats de partage de production, dans sa partie Profil oil. Il s’agit de la moyenne de la production quotidienne (DROP: Daily Rate Of Production), suivi par notre voisin du sud (le Sénégal), notre partenaire dans le projet GTA. (A suivre).

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