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Bruxelles : Une journée de réflexion organisée  au Parlement fédéral belge  pour combattre le discours négationniste

Bruxelles : Une journée de réflexion organisée  au Parlement fédéral belge  pour combattre le discours négationniste

Bruxelles : Une journée de réflexion organisée  au Parlement fédéral belge  pour combattre le discours négationniste

/ SOCIETE / Monday, 28 March 2022 20:21
source photo: enjeux tv
Par Jean Paul HABIMANA

« Le génocide est le plus odieux des crimes et englobe tout ce qu’il touche dans un tsunami de haine et de destruction. C’est un assaut contre nos valeurs communes les plus fondamentales », a déclaré António Guterres, Secrétaire Général des Nations Unies

Plus d’une centaine des rescapés du génocide contre les Tutsis et leurs  amis ont assisté, vendredi 25 mars 2022,  à un colloque d’Ibuka Mémoire et justice en Belgique. Ce colloque a été organisé sous le haut patronage du Groupe socialiste au Parlement belge représenté par Monsieur Ahmed LAAOUEJ ; député fédéral.  Il avait pour thème « Le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994 face au défi du déni : Stratégies pour combattre le discours négationniste et promouvoir le respect d’un fait historique de notoriété publique. »

Comment construire et combattre le discours des négationnistes ? Comment pouvons-nous vivre ensemble alors que les génocidaires continuent à nier le génocide et véhiculent leur idéologie dans les réseaux sociaux ? Pourquoi les pays dits démocratiques ne mettent pas les efforts pour arrêter les présumés coupables du génocide ? Et pourquoi certains pays protègent ces criminels ?  N’est-il pas difficile de vivre, et surtout de pardonner aux génocidaires qui poursuivent leur esprit de haine et multiplient encore les discours négationnistes ?  Quelles sont les stratégies mises en place par les Etats pour lutter contre le discours de haine contre les Tutsis ? Les associations humanitaires et des gouvernements ne peuvent-ils pas collaborer ensemble pour  poursuivre ceux qui véhiculent le discours de négationniste du génocide des Tutsis au Rwanda ? N’est-ce pas que les négationnistes mettent leurs efforts pour véhiculer le discours négationniste avec pour objectif de masquer la réalité et la vérité historique ?

Toutes ces questions, débattues au cours de ce colloque, appellent réponses. Elles permettent de rappeler le devoir de mémoire pour ne pas oublier le génocide contre les Tutsis au Rwanda mais surtout de refuser l’impunité dont bénéficient les auteurs de ce crime odieux ayant trouvé une incompréhensible protection dans certains pays. Contre l’oubli, les avis sont unanimes : « Seule une véritable connaissance du passé peut entretenir la conscience et le sentiment d’une continuité historique indispensable à la consolidation d’un État », disait Cheikh Anta DIOP dans ce sens.

Cette volonté de rendre justice en refusant l’oubli trouve en Ernest SAGAGA, président d’Ibuka Mémoire, depuis Janvier 2022, juriste de formation, premier porte-parole à la Cour Internationale  de La Haye, et  ancien journaliste à la Radio BBC, un ardent défenseur. Le président d’Ibuka qui dirige actuellement le département de sécurité des journalistes à la Fédération Internationale des journalistes rappelle qu’après 1994, un génocide a emporté plus d’un million des Tutsis, victimes d’une tentative dextermination voulue, décidée et planifiée par le gouvernement génocidaire, un crime rendu possible par le fait que ses signes avant coureurs ont été ignorés par la communauté internationale jusqu’arrêt du génocide par le Front Patriotique Rwandais dirigé par le président actuel Paul KAGAME.  Monsieur Ernest SAGAGA ajoute qu’après leur délivrance, des rescapés ont enterrés les leurs dans la dignité et avec l’esprit de résilience. Ils sont parvenus à reconstruire à partir de zéro leur vie en fondant les familles, retrouver le travail pour vivre dans la dignité. Ils se sont investis de préserver et de perpétuer la mémoire des leurs qui ont été tués pendant le génocide pour leur génération et les générations à venir. C’est dans  cette optique que les associations des victimes ont été mises en place, à savoir l’association Ibuka, Avega, AERG, etc. Les témoignages des survivants du génocide prennent un rôle culminant  pour le devoir de mémoire. Monsieur SAGAGA demande ainsi aux panélistes d’être vigilants contre les courants de négationniste qui existent dans presque tous les génocides que l’humanité a connus. Les tenants et les idéologues de ce courant existent bien et « C’est l’objet de ce colloque de combattre toute idéologie négationniste », ajoute Ernest SAGAGA.

 La sauvegarde de la mémoire du génocide est indispensable et  indiscutable

Monsieur  Ahmed LAAOUEJ, député fédéral et  Chef du Groupe PS à la Chambre, regrette que la communauté internationale n’ait pas intervenu  au moment où les atrocités ont été commises au Rwanda, de 1990 à 1994. Plus d’un million de personnes ont  été assassinées en 1994, en l’espace de trois mois (entre avril et juin). Et pourtant, la communauté internationale avait mis des mesures de prévention contre le génocide après juste la deuxième guerre mondiale. Ainsi, le Tribunal de Nuremberg a été mis en place à cet effet. Devons-nous conclure, suite au génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda de 1994 - à peine une cinquante d’années après le tribunal de Nuremberg - que la nature humaine est irrémédiablement incorrigible ?

Le député fédéral belge Ahmed LAAOUEJ insiste sur la nécessité de la mise en œuvre du devoir de mémoire : « Le devoir de mémoire est un devoir élémentaire et primordial. Il devrait être non seulement destiné aux adultes mais aussi surtout à la jeunesse», souligne le Député LAAOUEJ. Les rescapés du génocide qui a été perpétré contre les Tutsis sont unanimes : il faut témoigner, pour que les négationnistes de ces massacres de masse ne trouvent pas de prétextes pour nier le génocide. A titre d’exemple, le professeur Josias SEMUJANGA propose la mise en œuvre d’une bibliothèque pour garder intacte la mémoire du génocide et dire, comme message adressé aux autres, « plus jamais ça ! » Si les rescapés survivent, c’est, justement, parce qu’ils chantent leur agonie et témoignent de leur parcours émouvant. Le Professeur SEMUJANGA souligne ainsi la nécessité d’apprendre à écrire ce pan sombre de notre histoire : Verba volant, scripta manent : les paroles s’envolent, mais les écrits restent, avertit un adage latin. L’écriture est le seul moyen de garder notre mémoire et notre histoire. « Les négationnistes refusent la vérité et refusent le génocide contre les Tutsis pour leurs intérêts politiques. Le négationniste est un stratège pour défendre l’idéologie Parmehutu », ajoute le professeur SEMUJANGA.

 

Le combat contre tout discours négationniste doit être universel

 

 « Pour prévenir le génocide, il est également essentiel que la responsabilité soit crédible et efficace. Le lien entre l'impunité systémique et les crimes odieux est clair. La réponse est de mener des enquêtes et des poursuites impartiales », a souligné  le chef de l’ONU.

Le génocide est un crime contre l’humanité. Après la deuxième guerre mondiale, l’ONU avait mis en place les lois et les mesures possibles pour que le génocide ne se produise plus mais, malheureusement, la communauté internationale n’a rien fait pour protéger les Tutsis pendant le génocide de 1994. Et en sus de cette responsabilité non assumée par la communauté internationale, les négationnistes de ce génocide sont, paradoxalement, mieux protégés dans les pays dits démocratiques et continuent leur projet de nier le génocide et masquer la réalité : «  Le négationniste est le premier projet néfaste des génocidaires. Une attitude désinvolte unanimement dénoncée par tous ceux qui ont pris la parole lors de ce colloque : Le négationnisme fait la particularité de ce crime », affirme Maitre Eric GILLET alors que Jean Pierre CHRETIEN souligne que  la négation du génocide n’a d’objectif autre que de masquer la réalité et la vérité historique.

Tous les panélistes sont unanimes qu’il ne faut pas donner l’occasion aux négationnistes de véhiculer leurs idées génocidaires. Ils utilisent les réseaux sociaux, sous couvert de la liberté de la presse, pour nier le génocide mais ils oublient que celle-ci n’est pas absolue, qu’elle comporte des restrictions, quand il s’agit de crimes aussi odieux que le génocide. Lois dans plusieurs pays sanctionnent l’abus et le dérapage que  commettent ceux qui se cachent derrière une liberté de la presse utilisée contre les intérêts de la sécurité nationale, véhiculant la haine et les insultes contre un groupe donné, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé et vie privée, à porter atteinte à la vie d’une personne ou un groupe donné. Quiconque utilise les réseaux sociaux pour véhiculer leur idéologie négationniste sera puni par les lois en vigueur du pays. Dès lors, il appartient aux  Etats et surtout aux  rescapés des génocides et amis de prévenir les autorités en place pour traduire en justice les propagandistes de ces idéologies négationnistes.

 Si vis pacem para bellum

Si tu veux la paix, prépare la guerre (Si vis pacem para bellum). La lutte contre le négationnisme du génocide perpétré à l’égard des Tutsis a une portée symbolique évidente. À cet égard, la Belgique a reconnu politiquement, le 8 avril 2000, à travers le discours de son Premier ministre Guy Verhofstadt, l’existence du génocide Tutsi: “Au nom de mon pays, je m’incline devant les victimes du génocide. Au nom de mon pays, au nom de mon peuple, je vous demande pardon.” Ce rappelant de cette reconnaissance dénotant d’un courage politique que beaucoup n’ont pas, les panélistes remercient la Belgique d’être le premier pays qui a mis en œuvre la loi de proposition qui sanctionne les personnes physiques et morales qui nient la réalité du génocide des Tutsis commis au Rwanda au printemps 1994, négationnisme qui sera passible de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives. Dans la même optique,  la Constitution rwandaise et les lois en vigueur appellent à la lutte contre « l'idéologie du génocide », idéologie qui a, pour élément essentiel, la négation de la qualification du génocide contre les Tutsis et de tous les éléments qui pourraient y concourir. Ceci dit que la prévention et la lutte contre le discours négationniste est du devoir de l’humanité tout entière. Dans le  cas d’espèce, la journée de réflexion organisée au Parlement fédéral belge pour combattre le discours négationniste contre le génocide des Tutsis, se place aisément dans cette volonté d’œuvrer pour construire l’unité et la réconciliation de tous les Rwandais, comme dit l’adage latin, « si vis pacem para bellum » (si tu veux la paix prépare la guerre).

L’une des  rescapés du génocide présente à ce colloque témoigne qu’elle est satisfaite de cette marque de soutien et  défend les valeurs du « vivre ensemble » adoptées par le gouvernement rwandais, mais malheureusement elle regrette que certains jeunes Rwandais vivant en exil véhiculent l’idéologie génocidaire : « Je suis très contente que nous allons donner l’héritage d’unité et de réconciliation pour nos enfants. J’ai l’espoir d’un avenir meilleur pour notre pays. Cependant, nous avons encore à mener un travail de longue haleine pour lutter contre  les idées négationnistes de  certaines jeunes rwandaises vivant en exil qui se regroupent à l’association Ijambo mais également celles d’autres Rwandais qui ont fui le pays après avoir pris part génocide. Malheureusement, ces génocidaires continuent à véhiculer les discours de haine et à nier la préparation de ce  génocide contre les Tutsis. Ces discours viennent nous blesser encore une fois de plus. Il faut qu’ils soient punis car nier le génocide est un autre crime. » témoigne-t-elle.

Rappelons qu’IBUKA-Mémoire et Justice est une association à but non lucratif, fondée en août 1994, et qu’elle regroupe les survivants du génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda en 1994, les proches des victimes ainsi que toutes les personnes soucieuses de perpétrer la mémoire des victimes et préoccupées par le sort des rescapés de ce génocide.

Si vous le souhaitez, vous pouvez faire un geste de soutien pour  nos actions en faisant un don au compte 001-1549394-89. Mais si vous désirez une attestation fiscale, vous pouvez verser votre don au compte 000-0000028-28 de Oxfam-Solidarité, en mentionnant « IBUKA » dans la communication, en apportant tout autre soutien, une aide ponctuelle selon votre domaine de compétences, une aide matérielle, etc., en organisant vous-mêmes en collaboration avec IBUKA des activités visant à faire connaître la réalité et les conséquences de ce génocide dans votre région ou votre entourage.

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