frnlen

Sexualités humaines : le 11e Art majeur

Sexualités humaines : le 11e Art majeur

Sexualités humaines : le 11e Art majeur

/ SOCIETE / Monday, 26 December 2022 21:26
Par Dr Danielle Choucroun

Difficile pour beaucoup de donner une définition de l’Art : qu’est-ce que l’Art ?

Du commencement à nos jours se succèdent et s’entremêlent perceptions profanes et définitions-revendications académiques :

-l’Art majeur serait relatif aux savoirs, aux concepts,

-l’Art mineur concerne la matière,

Ces assignations sont remises en question par Léonard de Vinci réclamant le statut d’Art majeur pour la peinture.

A l’arbitraire de cette binarité, viennent se rajouter le trouble de l’esthétique, néologisme émergeant au 18e siècle et du Beau, champ dialectique d’affrontement et de fusion des Cultures et des sens.

Art ou décoration, savoir ou savoir-faire, Beaux-Arts ou Art déco, hic et nunc de l’œuvre authentique contre production et reproduction :

La lithographie déflore pour toujours la magie de l’unique, préfigurant l’évolution des sexualités humaines depuis la promesse de l’aube, utopie des sens du paradis perdu, aux sexualités sérielles, plurielles, mimant prolétairement la quête furieuse de l’impossible apaisement des assauts des sens.

Oui, les sexualités humaines sont bien le 11e Art majeur, unissant art libéral par l’érotisme et art mécanique par le mouvement des corps.

Gesamtkunstwerk du 21e siècle, les sexualités humaines embrassent toutes les dimensions de l’existence, physique, mentale, émotionnelle spirituelle pour les fusionner dans une volonté de création, création des corps, création des plaisirs, création de l’avenir, que seule la transe artistique peut animer.

La conduite sexuelle se joue de tous les sorts qui menacent l’humain, ignorant les risques et défiant les destins, « la magie opère durant le festin, d’elle, il ne restera rien, sinon le pétrin, le mal vénérien, et ce quotidien, passé chez le médecin… »

Paul de Tarse a prévenu, « j’ai la volonté de faire le bien, je n’ai pas le pouvoir de l’accomplir, je ne fais pas le bien que je veux, je fais le mal que je ne veux pas » = VIH, 6000 nouveaux cas chaque année en France, le sexe est plus fort que la mort, enfin, les trithérapies sauveront les meubles, au prix de la tache sérologique indélébile :

le désir sexuel est à la santé, ce que le romantisme de Schubert, mort peut-être d’avoir aimé, répond à l’idéologie des Lumières.

Mais finalement quoi de commun encore entre les corps qui s’incorporent et les Arts, ces savoirs et savoir-faire si singuliers à l’espèce humaine, dont l’émotion produite n’entend ni durée ni temps ?

Art et sexe sont bien les seules activités humaines qui ignorent toutes finalités autres qu’elles-mêmes, Art et sexe s’émancipent des assignations parasitaires imposées par les croyances et les rituels et refusent toute fonction sociale.

Art et sexe sont un mystère qui s’accomplit dans le secret, une performance dont seuls les regards reçoivent les réponses : leur résultat n’a plus priorité sur l’action, l’action les constitue.

Art et sexe composent une perspective de communication qui dépasse le gouffre entre la pensée et les sens : il ne s’agit plus de s’adresser à l’une ou aux autres, mais de les mobiliser ensemble pour faire évoluer non seulement les représentations mais aussi les perceptions.

En ce sens la Fontaine de Duchamp effraie et effracte la croyance artistique traditionnelle : la Fontaine déplace l’attention de l’objet vers l’interprétation.

Les apprentissages cognitifs construits par les rituels sont remis en question : l’Art ne se réduit pas à sa production mais est une collaboration des capacités sensorielles, émotionnelles, imaginatives et logiques. L’Art opère un décentrement des standards de la connaissance et met en mouvement vers un autre point de vue.

L’irruption de la Fontaine dans le monde de l’Art bouscule les habitudes et préfigure les révolutions sexuelles à venir : pour celles.ceux qui ont pu se saisir de la mécanique cognitivo-sensorielle enseignée par cet évènement, il s’agit de prendre acte des nouveaux comportements sexuels, des nouvelles significations des sexualités humaines et des identités sexuelles déliées des ordres de la tradition.

Art et sexualités contredisent la jouissance autorisée, conditionnelle au conventionnel : la nouveauté, la différence, critiquées avec l’aversion de l’incompréhension, défient et s’imposent en acculturation. En accélération, les sexualités contemporaines bousculent identités et pratiques bien-pensantes, partageant en représailles avec l’Art contemporain sarcasmes et accusations.

Sexe et Art font s’effacer les frontières entre sacré et profane, reculant le cultuel, éculant le prohibé, indifférents aux anathèmes : si tout est Art, les sexualités sont tout.

Ensemble de connaissances et de techniques pour construire des espaces de vie : parle-t-on des sexualités ou de l’Architecture ? Sexualités et Architecture mêlent perceptions visuelles et tactiles associées sans complexe à l’usage, délimitant espaces privés et espaces publics.

Sexualités et Architectures sont-elles ainsi les vrais déterminants de nos comportements ? Ordonnant les mouvements, dirigeant les pas et les pensées, donnant le sens, l’architecture exprime la vie de la Cité, les sexualités révèlent la vie de ses sujets.

Reproduction, accumulation, consommation de masse, l’aura est dans le hic et le nunc, les corps se désincarnent par l’image, les sexualités humaines sont devenues du cinéma, cet art sans corps apparu au 20e siècle, et suivent, ces corps sans sexe du 21e siècle, asexuels, mention sexe neutre.

Estimer la valeur ou estimer l’autre, qu’est-ce qui donne la valeur ? La valeur est toujours subjective, peu importe le matériau ou peu importe l’état, restauré ou non. La valeur réside dans la conservation, la résistance à l’épreuve du temps. La valeur est toujours sentimentale, construite par l’attachement. S’agit-il de l’œuvre ou s’agit-il de l’autre ?

Authenticité ou célébrité, parfois le cercle vicieux de l’intérêt défait, la valeur se détermine alors par les habiletés et le temps consacrés à sa réalisation puis le temps pris pour la contemplation. Mais de quoi parle-t-on encore, de l’Art ou des sexualités ? Est-ce bien le temps qui donne de la valeur, de la valeur aux œuvres, de la valeur aux gens…

« L’Art assume accessoirement la tâche de conserver… » Nietzsche, conserver les idées, conserver les émotions, conserver l’affection, conserver les corps. Les sexualités aussi.

Please publish modules in offcanvas position.