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L’ambivalence De La Démocratie En Afrique

L’ambivalence De La Démocratie En Afrique

/ Tribune Libre / Thursday, 06 May 2021 19:49

L’ambivalence De La Démocratie En Afrique

source photo: https://www.linternaute.fr/

Par Jean Paul HABIMANA

Plus de soixante ans après la fin de la colonisation, la majorité des pays africains n’aspire pas toujours pas aux valeurs démocratiques, peu de pays ont avancé vers le chemin de la démocratie par rapport aux pays occidentaux. Malgré le discours prononcé à la conférence de Baule demandant aux chefs des États africains de rompre le monopartisme afin de mettre en place des régimes démocratiques, la plupart des États, sans être forcément autoritaires ou répressifs, ne respecte pas les préceptes de l’État de droit et favorise le maintien du pouvoir d’une élite politique, basée sur l’ethnicité et le régionalisme. Cependant, certains pays africains comptés sur les doigts de la main ont déjà intégré les principes de la démocratie.

Démocratie ou dictature en Afrique ?

Ces dix dernières années, l’Afrique a connu des mutations du point de vue socio-politique. Le premier semestre de 2010 a été marqué par un recul du processus de la démocratisation dans le continent africain. Bon nombre de gouvernements ont connu non seulement des coups d’États, à titre d’exemple, la Guinée-Bissau en 2010, la République démocratique du Congo en 2011, la Libye en 2013, le Lesotho en 2014, la Gambie en 2014, le Burkina Faso en 2015, le Gabon en 2019, le Soudan en 2019, et plus récemment le Mali en août 2020. Certains présidents ont voulu garder le pouvoir en changeant la constitution telle que le président de la République démocratique du Congo en 2015, le président du Burundi en 2015, le président du Rwanda en 2015, le président des Comores en 2018 et le président Alpha Condé de la Guinée-Conakry en 2020. Les élections en Guinée-Conakry font partie de l’actualité qui domine la scène politique en Afrique, plusieurs associations de la société civile, de défense des droits humains et des médias se mobilisent pour demander le report des élections présidentielles en Guinée-Conakry : le climat est tendu autour de la candidature du président sortant Alpha Condé (82 ans) et les opposants de sa candidature. Le président ougandais Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, a introduit sa candidature pour représenter le parti au pouvoir à l'élection présidentielle prévue en 2021. Le bilan est catastrophique suite au maintien du pouvoir par certains présidents africains. Les élections ont été contestées partout dans tous les pays où les présidents ont modifié la constitution.

La chasse au pouvoir de certains dictateurs africains en 2010

Ainsi l’année 2010 a marqué l’histoire des mouvements de contestation des jeunes issus des milieux défavorisés et des fils des ouvriers : c’est en fait le printemps arabe. Cette révolution du monde arabe a débuté en décembre 2010. Ces mouvements à caractère politique sont qualifiés de « réveil arabe ». Le résultat de ces révoltes a chassé les trois dictateurs de l’Afrique du Nord qui ont gouverné les pays depuis plusieurs années. La chasse au pouvoir des dictateurs arabes commence par la Tunisie et se généralise en Égypte et en Libye. Toutes ces révolutions ont provoqué la fin de dictateurs comme Ben Ali en Tunisie, Hosni Moubarak en Égypte et la mort du colonel Mouammar Kadhafi en Libye. La chute du pouvoir de ces trois dignitaires les plus connus en Afrique a instauré les principes de la démocratie dans les pays respectifs. Ces révoltes issues du monde arabe donnent une leçon aux autres pays qui refusent catégoriquement la voie de la démocratie et nous rappellent que le citoyen doit s’armer de force et de constance, et dire chaque jour de sa vie ce que disait le Palatin dans la diète de Pologne Malo periculosam libertatem quam quientium servitium  (Je préfère la liberté à un danger que le service de la paix.) Le printemps arabe a été caractérisé par un vide juridique dans les dits pays et surtout a provoqué des agressions physiques et des assassinats contre les hommes des médias.

La liberté d’expression est inséparable aux principes de la démocratie

Au cours du séminaire sur le rôle des journalistes ivoiriens en période électorale qui s’est tenu à Yamoussoukro du 22 au 24 septembre 1995, les journalistes ivoiriens s’étaient mis d’accord sur certains points importants. Ils se sont engagés à « transcender toute différence partisane et idéologique pour adhérer aux normes et aux principes professionnels, les journalistes se sont engagés, au cours de la période électorale, à se garder tout acte susceptible d’inciter au tribalisme, à la xénophobie, au crime et à toute forme de fanatisme. » (Institut Panos, Ne tirez pas sur les médias. Paris, Le Harmattan, 1995, p.55). Christophe Déloire Secrétaire Général de Reporters Sans Frontières défend sa thèse que la démocratie est inséparable à la liberté d’expression dans un pays doté des valeurs démocratiques et note ceci « Le classement mondial publié par RSF ne tient pas compte directement de la nature de régimes politiques. Néanmoins, il apparaît clairement que les démocraties protègent mieux la liberté de la production et de la diffusion des informations factuelles que les pays dans lesquels les autres droits humains sont méprisés. Dans une dictature, les acteurs de l’information s’exposent à des représailles impitoyables pour eux-mêmes et pour leurs proches. Dans de nombreuses démocraties, ils font face à la crise économique de la presse aux conflits d’intérêts. Si leurs situations ne sont pas toujours comparables, il convient de rendre hommage à tous ceux qui résistent aux pressions, qu’elles soient matinales ou diffuses. » (Rapport de Reporter Sans Frontière, Après le printemps, les espoirs déçus, 2013). Ledit rapport affirme que l’année 2012 a été la plus meurtrière contre des journalistes. De fait, bon nombre de journalistes sont morts durant l’exercice de leur fonction, surtout ceux de Somalie. Ce dernier occupe la place de 163ème pays au niveau mondial et Érythrée, qui se positionne depuis longtemps à la dernière place d’après le classement de RSF de 2020. Il est dommage que le régime turkmène occupe depuis des années la dernière position et continue à être non seulement le théâtre de prédateurs de la liberté d’expression mais continue à emprisonner et surtout assassiner des hommes des médias.

Peu de pays africains comptés sur les doigts de la main progressent dans le processus de la démocratie et le respect de la liberté de la presse dans le pays. Selon le classement récent de RSF 2O20, le Ghana vient en première position parmi des rares pays du continent cité comme modèle de la démocratie en Afrique. Cette maturité politique du Ghana dans le respect des principes des droits de l’homme a été confirmée par la visite de l’ancien président des États-Unis d’Amérique, Barak Obama en 2010. Le discours du président américain, centré sur la mise en œuvre des institutions très fortes en Afrique reposant sur les valeurs démocratiques, a par contre pointé du doigt les dictateurs africains. L’Afrique du Sud vient en 31ème position au classement mondial et devient le premier pays africain, qui progresse dans le maintien de la démocratie et de la liberté de la presse : cette place prouve que certains pays africains commencent à comprendre et à refuser toute sorte de dictature quelle qu’elle soit. C’est de l’espoir et encourageant pour le peuple africain. S’ensuit le Burkina Faso classé sous le 39ème pays au niveau mondial par le RSF. C’est à titre d’exemple que d’autres pays africains progressent au fur et mesure dans la mise en valeur et le maintien des principes de la démocratie dans leurs pays.

Ce dualisme qui marque les inefficacités et les incompréhensions de la démocratie en Afrique qui, engendrent les ambivalences et suscitent des interrogations des observateurs du continent africain. Comment pourrait-on expliquer que le Ghana et l’Afrique du Sud sont des pays cités comme modèle dans le respect des principes de la démocratie dans le continent alors que les autres pays régressent et ne comprennent jamais les valeurs des droits de l’homme dans leurs sociétés ? Le Djibouti et l’Érythrée, par exemple, continuent à violer le droit le plus fondamental de l’homme en tuant et en emprisonnant les opposants politiques et les journalistes indépendants.

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