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(Invité du Mois) Le programme Access2University

(Invité du Mois) Le programme Access2University

/ Invité du Mois / Tuesday, 01 March 2022 21:37

Propos recueillis par Jean Paul HABIMANA   

Le programme Access2University mis en œuvre il y a quelque temps par l’UCLouvain met l’accent sur la notion du vivre ensemble. C’est un programme qui répond parfaitement à l’une des vocations premières de cette université belge connue dans le monde pour être l’une des universités les plus humanistes. 

Ainsi, le programme Access2University qu’elle a mis en œuvre se présente comme un programme « qui vise à préparer des candidates réfugiées, limitées dans la poursuite de leur formation universitaire par leur niveau en langue française, à reprendre des études universitaires », renseigne-t-on sur le site de l’université qui précise l’agenda des nouvelles inscriptions en ligne pour le programme de l’année 2022-2023 à partir du 1er mars jusqu’au 18 avril. Pour mieux faire connaître cet important programme dédié au vivre ensemble, Œil d’Humanité donne la parole, dans cet entretien, à Louise et Jonathan, coordinateurs du programme Access2University.                                       

                   

 Œil d’humanité : Merci de vous présenter en quelques mots aux lecteurs d’Œil  d’Humanité. 

  

Nous sommes Louise et Jonathan, coordinateurs du programme Access2University. Jonathan est aux manœuvres d’Access2University (A2U) depuis presque deux ans maintenant, tandis que Louise vient de reprendre la coordination depuis janvier 2022. 

  

      Œil d’humanité :    En quoi consiste le programme access2University ? 

  

C’est un programme de l’UCLouvain qui propose une année préparatoire à destination des réfugiées et demandeurs d’asile, pour leur permettre d’apprendre le français et se familiariser avec le milieu universitaire, dans le but d’entamer un cursus universitaire l’année suivante. Grâce à cette année de transition, l’UCLouvain veut permettre aux étudiants du programme d’avancer pas à pas et maximiser les chances de réussite dans l’enseignement supérieur. 

  

Œil d’humanité :       Votre programme s’adresse-t-il plus à des candidats-réfugiés africains ? Une estimation, si possible, des inscrits issus de ce continent. 

  

Notre programme vise des candidats-réfugiés du monde entier qui ont fait une demande en Belgique, dont, bien sûr, les Africains. Il s’adresse à des réfugiés, demandeurs d’asile ou bénéficiaires de la protection subsidiaire ici en Belgique. De plus, le cœur du programme tourne autour de l’apprentissage du français. C’est pourquoi tous les étudiants francophones ne passent pas par le programme, mais peuvent déjà s’inscrire directement via l’inscription régulière. Le programme a été construit dans ce sens historiquement, puis il essaye de s’adapter à chaque profil. 

L’estimation du nombre d’étudiants au programme A2U est d’environ 15 personnes par an. Depuis 2017, on arrive à environ 80 personnes. 

En plus de ça, il y a environ 100 réfugiés par an inscrits régulièrement à l’UCLouvain. 

  

  Œil d’humanité :     L’historique de votre programme à Louvain-la-Neuve ? 

  

Depuis très longtemps, l’UCLouvain accueille des étudiants réfugiés (une centaine par an). A partir de 2015 et 2016, il y a une émergence de nombreuses initiatives (notamment avec le nombre croissants de réfugiés de Syrie et d’Afrique), comme : 

  

  •          - La sensibilisation aux questions de migration au grand public ;

  

  •         - Le consortium de chercheurs sur les questions de migration (Louvain4Migration),

  

  •          - Des MOOCs pour réfugiés ;

  

  •          Des Cours de français (ILV),

  

En 2017, il y a une prise de conscience qu’il fallait structurer et intégrer les initiatives d’accompagnement car les étudiants réfugiés font face à de multiples obstacles administratifs et logistiques qui les empêchent de bénéficier pleinement du contenu des cours et des activités. 

Suite à cela, le programme Access2University est né. C’est un programme qui distingue clairement 3 axes : 

  

  •         Volet langue :

  

-          cours de français universitaire à l’Institut des Langues Vivantes. Les étudiantes du programme Access2University bénéficient en plus d’un cours spécifique sur l’utilisation du français dans le contexte académique (par exemple : présenter un examen en français) 

  

-          tables de conversation avec le Migrakot ; 

  

-          monitorats / tandems citoyens avec des étudiantes belges ; 

  

  •          Volet académique :

  

A partir du deuxième quadrimestre, les étudiants peuvent suivre 1 à 3 cours universitaires sous statut d'élève libre (maximum 20 crédits/année dont les cours de français) au sein de nos Facultés. 

  

  •          Volet accompagnement :

  

-          pour votre orientation dans les études et/ou votre insertion socio-professionnelle (avec le CIO) ; 

  

-          en méthodologie de l'étude universitaire, 

  

-          dans vos démarches administratives : demande d’admission à un programme de bachelier ou de master (avec le Service des Inscriptions), demande d’équivalence (avec le CIRE), valorisation des acquis de l’expérience (VAE)… 

  

-          vers l’aide psycho-sociale et médicale disponible au Service d'aide aux étudiantes et vers des conseils juridiques ; 

  

-          dans votre intégration dans la vie étudiante avec l'Administration des Relations Internationales (ADRI), la CGEI, et nos partenaires (Collectif Des Femmes, CRIBW, le Placet…) 

  

-          par une aide financière pour vos supports de cours, et un remboursement de vos trajets vers l’UCLouvain (Attention ! Le programme Access2university ne comprend pas de bourse d’études ou d’aide matérielle pour le logement et la nourriture). 

  

C’est la cinquième année du programme et il se renouvelle continuellement. Une des grandes nouveautés est l’accompagnement par un buddy, à savoir un élève de la faculté dans laquelle l’étudiant A2U a le projet de poursuivre ses études universitaires. Grâce au buddy (en partenariat avec le Student Budy Program de l’UCLouvain), l’étudiant bénéficie d’un accompagnement personnalisé pour les cours avec une aide méthodologique et pédagogique. 

  

Œil d’humanité : Existe-t-il d’autres programmes similaires dans d’autres universités belges ? 

  

C’est parce qu’il propose un accompagnement à la fois individuel et global sur une année entière, qu’A2U se différencie d’autres programmes existants. D’autres programmes peuvent aider à l’inscription et proposer des cours de français mais en le faisant dans une inscription régulière, tandis qu’A2U est un programme vraiment à part. 

A notre connaissance, il n’existe pas de programme similaire à A2U en Fédération Wallonie Bruxelles, même s’il existe souvent des guichets uniques (Welcome Desk) pour les réfugiés dans les autres universités francophones. 

  

Œil d’humanité :      Quelles sont les conditions du programme ? 

  

  •          Bénéficier d’un statut de réfugié, d’une protection subsidiaire en Belgique ou d'une demande d’asile en Belgique en cours d’examen (disposer d’une annexe 26 ou d’une carte orange récente) ;

  

  •          Avoir le projet de reprendre des études universitaires ;

  

  •          Résider en Belgique (à maximum 1 heure de trajet de nos locaux de formation, situés à Louvain-la-Neuve) ;

  

  •          Avoir obtenu au minimum un diplôme de l’enseignement secondaire et entamé des études supérieures dans son pays (si vous n’avez pas une équivalence de votre diplôme de secondaire non restrictive) ;

  

  •          Pouvoir démontrer un niveau A2 minimum en français ;

  

  •          Être disponible pour suivre les cours en horaire de jour ;

  

  •          Etre à l’aise avec l’outil informatique ;

  

  •          Déposer un dossier de candidature complet dans les temps : entre le 1 mars et le 18 avril pour cette année.

  

Œil d’humanité : Les conditions pour accompagner les étudiants étrangers ne vous semblent-elles pas un peu rigide ? 

  

Nous visons déjà un large public selon nous et nous suivons aussi des conditions spécifiques propres à l’accès à l’enseignement supérieur. Si les conditions existent c’est dans un but bien précis, à savoir rendre le plus complet possible le programme de préparation aux études à destination des étudiants. Il est important que les candidats qui postulent au programme se rendent compte qu’A2U est une opportunité pour continuer dans l’enseignement supérieur, mais que cette place dans le programme ne se fait pas sans s’investir personnellement. C’est pourquoi A2U suggère certaines conditions d’accès au programme, comme savoir être disponible pour des cours en horaire de jour, résider à maximum une heure en transport du campus de LLN, etc. Même si, bien évidemment, la sélection des candidats s’adapte à chaque profil et tente de les rediriger vers quelque chose qui leur convient le mieux (intégrer directement le milieu professionnel par exemple). 

  

  Œil d’humanité :       Derrière le programme Access2University que voit-on réellement ? Un geste humanitaire ou un acte à inscrire dans le registre du « vivre ensemble » ? 

  

C’est un acte à inscrire dans le registre du vivre ensemble puisque cette année préparatoire se construit en réciprocité avec la coordination, les étudiants, mais aussi les différents partenaires. C’est ce mélange d’énergie et le rôle actif des étudiants dans le programme qui permettent qu’A2U soit une expérience humaine avant tout. Il s’agit de la rencontre de différents acteurs (accompagnants, associations, étudiants) qui vont s’apporter des enrichissements mutuels. 

   Œil d’humanité :       S’il faut procéder à l’évaluation de votre projet d’accompagnement, faut-il le juger à l’aune de l’atteinte de leurs objectifs par les étudiants déjà accompagnés ? 

  

De manière générale, nous avons des retours très positifs. 

Il faut savoir que chaque personne qui arrive dans A2U a des objectifs différents (insertion socio-pro, intégration, création d’une communauté/d’un lien, échanges interculturels, etc.). Il peut aussi arriver que les objectifs de départ changent en cours de route après avoir été dans le programme. Après des conseils en orientation, le parcours professionnel peut être redirigé. A coté de ça, il y a aussi des rencontres et des liens qui se forment : est-ce que ce n’est déjà pas une réussite en tant que telle ? La réussite ne s’arrête pas aux objectifs atteints mais aussi au chemin parcouru. 

  

     Œil d’humanité :      Parlez-nous un peu des difficultés rencontrées au cours de votre parcours professionnel. 

  

Dans le cadre de notre fonction de coordinateurs, les difficultés rencontrées sont avant tout les situations administratives et juridiques des étudiants en tant que telles. Et il est très difficile pour nous de « toucher à tout » en ce qui concerne leur situation, donc cela peut avoir un coté frustrant... Puis, la réalité de la vie peut dépasser l’intérêt pour les études. Du coup, certains vont décrocher et ce n’est pas facile de maintenir leur motivation dans le programme. Une autre difficulté pour nous est de savoir où poser la limite entre l’intime et le professionnel… C’est dur de ne pas s’investir au-delà de ce qu’on devrait faire car on rentre dans un lien avant tout humain avec eux. Enfin, il est aussi difficile de contenter tout le groupe qui arrive avec des objectifs différents justement : certains voudront davantage perfectionner le français, d’autres créer des liens, etc. Il y a beaucoup d’offres et de propositions qui leur sont soumises, mais il faut que tout le monde y trouve son compte. 

  

     Œil d’humanité :       Quel autre message important voulez-vous transmettre par notre canal ? 

  

L’important d’un programme comme A2U est avant tout de défendre le droit à l’accès à l’enseignement et montrer que ce droit peut être un pilier fondamental dans la (re)construction de soi et de son estime de soi par des personnes qui ont pu connaitre un parcours migratoire dans lequel elles ont été dévalorisées. Pour nous, contribuer au développement des talents des réfugiés en leur donnant une porte vers l’enseignement, permet à la fois à faciliter leur intégration en Belgique mais aussi à leur donner le potentiel de participer à la construction de leurs pays. C’est du win-win : cela permet aussi à la Belgique de gagner une plus-value grâce aux connaissances et compétences qu’ils peuvent amener à la société belge. 

  

 

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