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Namur : Commémoration des victimes du génocide perpétré contre des Tutsis

Namur : Commémoration des victimes du génocide perpétré contre des Tutsis

Namur : Commémoration des victimes du génocide perpétré contre des Tutsis

/ POLITIQUE / Tuesday, 04 July 2023 19:41

Par Jean Paul HABIMANA

C’est parti, depuis un jour, et c’est sans doute pour toujours. C’est encore frais dans nos mémoires. Mais de quelle fraîcheur ? Glaciale ! Nous sommes le 7 avril 2023, à Woluwe-Saint-Pierre, en plein cœur de Bruxelles, en Belgique, devant la Stèle commémorative du génocide qui, en 1994, a été perpétré contre les Tutsis du Rwanda. La 29ème Commémoration est conjointement lancée par l’Ambassade du Rwanda et les Représentants de l’Etat et du Gouvernement belges. Diplomates, rescapés et leurs amis prennent part à cet événement historique.
Puis, dans la foulée, par-delà le niveau fédéral, s’ensuivent, dans bien des grandes comme dans bien de nos petites villes belges, plusieurs activités commémoratives. Elles vont d’avril à juillet, chaque année, en mémoire des cent jours qu’aura duré le dernier grand génocide du XXème siècle. Ramenons, dans ce cadre, le regard de la lectrice et du lecteur sur la commémoration qui a eu lieu dans la ville de Namur, Capitale de la Wallonie. C’était le 30 avril dernier. L’idéologie du génocide date depuis la première et la deuxième République au Rwanda.

LA GENESE DE L’IDEOLOGIE DU GENOCIDE

Pour Philibert RUGUMIRE, Représentant des rescapés à Namur, l’idéologie du génocide et les discours de haine remontent à la période qui précède le recouvrement de l’indépendance du pays, en 1962. De 1962 à 1994, sous, respectivement, la Première et la Deuxième République, avec le Président Grégoire KAYIBANDA, puis avec son héritier idéologique, Juvénal HABYARIMANA, la graine est semée, de la diabolisation et de l’extermination totale des Tutsis. Tant et si bien que l’année 1994 verra, dans le chef des concepteurs du génocide, la fin de ce qu’ils appellent la question tutsie au Rwanda.
Dès l’année 1959, vers la fin de la Tutelle belge sur le pays, les premiers pogroms sont là. Puis, sous le Président Grégoire KAYIBANDA, les premiers actes de génocide sont patents, en 1963 et 1964 déjà. Des médias, tels que « Le Monde », en 1963, et certains Européens, qui étaient au Rwanda, qualifient, unanimement, les massacres de GIKONGORO comme le prélude du génocide des Tutsis. Le Président HABYARIMANA arrive au pouvoir en 1973. Il instaure un pseudo-équilibre ethnique. C’est sous son pouvoir que sera élaboré le projet d’extermination de tous les Tutsis par, notamment, médias de haine interposés. La vérité historique dudit génocide est aujourd’hui définitivement établie. Voilà qui aura conduit à dire le droit, pour les besoins de la justice, avant d’envisager toute réconciliation au Rwanda.

VERITE, JUSTICE, AVANT LA RECONCILIATION ET LE PARDON

« Il est important, certes de se ressembler, chaque année, non pas seulement pour satisfaire à une obligation répétitive, non pas seulement pour montrer notre respect aux victimes, mais surtout pour renforcer notre détermination à obtenir toutes justices et vérités devant l’histoire. » Interpelle Philibert RUGUMIRE
Autant est essentielle la justice, autant donc le sont la réconciliation et le pardon. Sont, prioritairement, conviés, dans cette démarche, médias et autres organes de presse. Journaliste rescapé du génocide en cause, Aimable KARIRIMA est convaincu qu’un journaliste digne de son nom ne devrait pas perdre de vue son professionnalisme, dans le traitement de l’information. Le voilà qui demande aux médias responsables du génocide de s’investir, cette fois-ci, dans la réconciliation et dans le pardon.
C’est, du reste, le sentiment de paix conféré par le pardon qui anime Aimable KARIRIMA, lorsqu’il déclare : « Je n’ai pas la vengeance, dans mon cœur. » C’est pourquoi il s’est, résolument, investi dans la vulgarisation des messages de pardon, de non-violence, tout en faisant connaître, au monde entier, le « Mal absolu » que son pays, le Rwanda, a traversé pendant le génocide et ce, sous le regard de la communauté internationale. Sur ces entrefaites, la brève intervention du journaliste Aimable KARIRIMA ouvre une panoplie de poignants témoignages.

DE POIGNANTS TEMOIGNAGES AGONISANTS DONT CHACUN EST UNIQUE EN SON GENRE

Un autre TEMOIGNAGE, celui d’Ernestine, mineure à l’époque et vivant à l’Est du Rwanda, raconte les atrocités inhumaines dont elle a, elle-même, été témoin. Sur ce chemin de la croix, la voilà qui, avec ses frères consanguins, viennent d’inhumer leur père assassiné par des milices génocidaires. Ils veulent ensuite à tout prix fuir les affres et les horreurs du génocide. Commence alors leur parcours vers la Tanzanie voisine, bravant la faim, la soif et le danger. Sur le long calvaire, ils côtoient, côté rwandais, des reptiles dans une forêt ; la forêt de tous les dangers. Face aux risques et au péril, force est de quitter la forêt infestée de reptiles. C’est dans l’espoir de l’absence, dans ces parages, de barrages des milices génocidaires.
Ironie du sort, les malheureux itinérants sont interceptés. « Au moment où un milicien s’apprêtait à tirer sur nous, un serpent venimeux le mord mortellement. Il rend l’âme sur-le-champ » Puis de poursuivre en ces termes : « Nous avons été sauvés par le serpent. » La suite sera, ni plus, ni moins, un miracle grandeur nature, mais pour combien de temps ? Dieu seul sait. « Nous reprenons le chemin qui conduit vers la Tanzanie, où nous tomberons sur un camp de réfugiés. » A en croire Ernestine, des Tanzaniens venaient dans le camp prendre des réfugiés pour des travaux forcés. Un de mes frères et moi en avons été aussi victimes. Nous y sommes restés jusqu’à ce qu’un oncle vienne à notre secours et nous faire rentrer, plus tard, au Rwanda », a-t-elle indiqué.

Omar Ntagengwa Sirvir, un autre rescapé résidant à Charleroi, indique, pour sa part : « En tant que rescapé du génocide perpétré contre les tutsis, si j’existe, c’est pour témoigner. Témoigner est, aussi, pour moi, un point d’honneur. » Originaire de GITARAMA, Omar s’interroge sur les raisons qui ont poussé trois évêques hutus de l’Eglise Catholique Romaine, à savoir Mgr Vincent NSENGIYUMVA, Mgr Joseph RUZINDANA et Mgr Thaddée NSENGIYUMVA, à refuser d’accorder refuge aux prêtres tutsis qui fuyaient les milices du gouvernement génocidaire, pour se cacher à l’Evêché de KABGAYI. Sur un autre plan, tout aux antipodes de ce dernier, Omar Ntagengwa a été témoin de scènes où des Musulmans ont protégé leurs fidèles, lors de ces tragiques événements.

Les témoignages, au demeurant, n’ont pas été que d’ordre verbal. Il y a eu, aussi, projections de films sur les horreurs d’avril à juillet 1994, photos et vidéos illustratives, des chants, procession commémorative au flambeau. Si la Marche au Flambeau a été un des actes les plus forts de la journée, c’est, peut-être, ou assurément, la veillée vespérale de la mémoire qui aura été la plus marquante. Supervisée par Tatien NDORIMANA MIHETO, le moment était certes chargé d’émotions, mais aussi de ces questions existentielles sur lesquelles nous conclurons, plus bas. En attendant, disons que la veillée commémorative est une ces « épreuves » que l’on « affronte », pour s’y fondre, comme l’a si bien dit Martin STEFFERS.
DISCOURS OFFICIELS OU DISCOURS STRUCTURANTS, POUR MEMOIRE ET POUR MEMORIAL
A cette occasion, Madame Eliane THIEUX, Présidente de la Chambre des Représentants belges, Ernest SAGAGA, le Président de l’ASBL IBUKA JUSTICE ET MEMOIRE, ont prononcé des discours qui interpellent la conscience collective, invitant les dirigeants du monde entier à prôner la paix et la cohésion sociale. Il a été déploré les velléités des régimes qui se sont succédé, dans leur plan obscur d’exterminer la communauté tutsie : « Ceux qui ont voulu nous déraciner ont échoué », s’écrie Ernest SAGAGA. Puis de rappeler que c’est plus d’un million d’enfants, d’hommes et de femmes tutsis qui ont péri pendant le génocide d’avril à juillet 1994. De là vient la nécessité de disposer d’un Mémorial à Namur.
Le Président de l’ASBL JUSTICE ET MEMOIRE a donc plaidé, auprès des autorités namuroises, pour l’édification, dans la capitale de Wallonie, d’une Stèle digne de la mémoire des suppliciés du génocide de 1994 : « Il me semble que le moment est venu de penser à un mémorial public et permanent dans cette belle ville de Namur , un mémorial qui rappellerait, non seulement le devoir de mémoire , mais qui servirait également d’outil éducatif à la population namuroise sur le crime du génocide perpétré contre les tutsis au Rwanda. » La Stèle ainsi souhaitée viendrait s’ajouter à celles des villes de Bruxelles, de Liège, de Charleroi, de Mons et, bientôt, deTournai.
Puis Eliane THIEUX, Présidente de la Chambre des Représentants belges, de renchérir : « Se souvenir, c’est agir… La mémoire, c’est une histoire de mots et des gestes. » Continuons le combat. Ce combat est noble, universel et jamais nous ne renoncerons », a-t-elle déclaré. La voilà qui exhorte les rescapés à ne pas oublier le « Mal absolu » et, surtout, à lutter, partout, contre les discours négationnistes. » C’est à quoi sont venus, en écho, ces mots de Tatien NDORIMANA MIHETO : « Nous avons le devoir de les rendre immortels, car ils sont avec nous. »

DES QUESTIONNEMENTS EXISTENTIELS ?

Avec les témoignages, de tous genres et de tous niveaux, comme avec les discours officiels, tant à Namur qu’ailleurs, se trouvent soulevées des questions telles que :
Comment expliquer un tel niveau de haine et de méchanceté, à l’endroit de la communauté tutsie ?
Comment panser les blessures psychologiques, psychiques et voire physiques des rescapés du génocide perpétré contre les tutsis ?
Comment expliquer que le Rwanda, qui est, en majorité, chrétien, puisse basculer dans une telle bassesse, en perpétrant l’un des génocides les plus graves jamais vécus par l’humanité ?
Tout singulièrement, le génocide des enfants, par les milices génocidaires, peut-il s’expliquer ?
Comment expliquer le refus, par la communauté internationale, de qualifier les faits de génocide perpétré contre les tutsis, dès les premières heures, afin de permettre, à toutes les instances concernées, d’intervenir, le rapidement possible, pour protéger les Tutsis ?
Pourquoi certains rescapés, en Belgique, se retrouvent-ils toujours sans papiers ?
La construction de Stèles commémoratives dans les villes européennes et américaines sera-t-elle l’une des solutions efficaces, pour mettre fin aux courants négationnistes ?

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